Avoir 16 Ans

Nous avions pensé, quelques semaines après les événements qui ont inspiré ce scénario, tourner un film-document sur ce sujet encore « chaud ». Les « acteurs » du drame étaient toutefois d’âge mineur et les parents, d’autre part, ne voulurent pas engager de poursuite en justice. Nous avons alors opté pour la « fiction », mais sans remords, avec au contraire le désir d’universaliser, de rendre intemporel notre sujet : en garder la stricte substance morale et idéologique. Ainsi, jamais il ne fut question de prendre parti pour ou contre, de défendre ou d’acquitter. Dans cette histoire vraie, ce qui nous a frappé, c’est de constater que les « institutions secondaires » et ceux qui les dirigent sont directement à l’image des « institutions premières », de la haute politique, du haut-fonctionnariat, de la haute technocratie. En résumé, cette histoire vraie s’est déroulée de la même manière que la crise d’octobre en 1970 ; nous allons même jusqu’à prétendre qu’elle n’aurait pas été possible sans elle. D’où l’urgence que nous avons ressentie d’écrire et de réaliser « Avoir 16 Ans ». Un gouvernement peut changer, les institutions toutefois demeurent. Un film-document aurait certes créé un scandale. A bien y réfléchir, ce scandale aurait été inutile, ne serait-ce que parce que noyé dans la masse des scandales quotidiens. Nous avons donc écrit un film de SIGNES et de RÉFÉRENCES, un film OUVERT sur les interprétations et la réflexion, plutôt qu’un film fermé sur la psychologie des personnages et l’anecdote du drame. Tels des médecins légistes, nous fournissons la liste des blessures. Au spectateur d’IMAGINER la vie des « autopsiés ». Jean-Pierre LEFEBVRE