Édito
La Quinzaine, fondée en 1969 par la SRF, est née de la volonté d’une communauté de cinéastes de créer un espace indépendant qui favorise l’émergence de formes libres venues de tous les horizons, sans critère de distinction. C’est la singularité d’une œuvre, dans ce qu’elle a de plus irréductible à toute classification, qui est au principe de l’acte fondateur de la Quinzaine.
De plus, la Quinzaine se démarque des autres sélections cannoises en ce qu’elle est non-compétitive et ouverte au public. C’est dans cet esprit que nous plaçons plus que jamais cette nouvelle Quinzaine des Cinéastes.
Le comité de sélection a visionné près de 4000 films. Nous nous sommes déplacés dans plus de 20 pays pour aller à la rencontre des cinéastes et des professionnels du monde entier, sur tous les continents.
Un principe unique nous a guidés dans l’élaboration de nos choix : la recherche de singularités en termes d’écriture cinématographique. Parler de singularité revient évidemment à considérer les œuvres au-delà de toutes les catégories et de tous les genres. D’abord, c’est ne pas se cantonner à la distinction réductrice entre fiction et documentaire et accueillir les formes hybrides. Ensuite, promouvoir la singularité d’une œuvre, c’est refuser tous types de quotas, qu’il s’agisse de nationalités, de sexe, de genre. Par définition, l’acte de création est un geste libre qui transcende toutes ces caractéristiques et ces déterminismes. Nous nous sommes astreints à considérer les œuvres en tant qu’œuvres et pas pour ce qu’elles représentent. Enfin, le court métrage sera mis à l’honneur à travers trois programmes au lieu de deux.
Le règlement de la Quinzaine a changé : tout film est éligible à condition qu’il respecte la chronologie des médias en France, à savoir une première fenêtre d’exposition sur grand écran. C’est une façon de soutenir le métier des passeurs que sont les distributeurs et les exploitants. C’est tout simplement l’envie que les spectateurs puissent continuer à découvrir collectivement les films en salle.
Nous avons travaillé d’arrache-pied à défricher dans tous les sens : 6 premiers longs, 4 deuxièmes longs, identifier des films sans distributeur et sans vendeur portés par de jeunes cinéastes et producteurs, éviter les pièges des films trop formatés... Nous avons également décidé de ne pas accorder la priorité à des films - pourtant bons - qui étaient de sérieux candidats à la compétition officielle, car notre première mission demeure la découverte de nouveaux cinéastes. La Quinzaine 2023 comprendra néanmoins quelques films de grandes signatures, mais il s’agit d’œuvres très personnelles et singulières.
De manière générale, on remarque un retour en force de l’Asie et des États-Unis. Nous avons aussi quelques belles propositions venues du continent africain. Le registre du conte et du merveilleux revient souvent comme moteur narratif. Le malaise entre les sexes est un des grands thèmes de la production contemporaine : masculinités en crise, émancipations féminines, déclin du patriarcat... On note également un retour du religieux dans les thèmes abordés. Nous n’avons pas cherché spécifiquement à sélectionner « des films de genre » mais la Quinzaine 2023 contient du fantastique, de l’aventure, de la comédie, du polar, du road-movie, du coming-of-age, du cinéma queer etc.
Il est vrai que les continents et les territoires sont représentés de manière inégale dans la sélection: nous aurions aimé que certaines cinématographies très vivantes soient présentes. Mais, deux remarques à ce sujet : d’abord, le travail de sélection et la consolidation d’une nouvelle identité pour la Quinzaine ne se construisent pas en une année mais se réalisent dans le temps. Par ailleurs, nous avons pris la décision dès cette année de resserrer le nombre de films sélectionnés. La raison en est simple : un peu moins de films signifie une exposition plus forte pour chacun d’entre eux.
La mise en scène est au cœur du travail de sélection que nous avons mené. Nous avons choisi de vous présenter 30 films qui, par leur langage unique, incarnent un esprit de résistance à toute forme d’idéologie et de discours dominant.
Julien Rejl